Le Tchad traverse une période de tensions inquiétantes entre ses acteurs politiques, suite aux débats autour de la création d’un nouveau cadre de dialogue national, une initiative initialement approuvée par le chef de l’État. Mais derrière cette volonté de renforcer la consultation, se cache une rivalité exacerbée : chaque parti politique cherche à obtenir sa place dans cette nouvelle instance, alors que le pays compte plus de 200 formations, ce qui fragilise la crédibilité et l’efficacité du processus.
Ce contexte met en lumière une réalité alarmante : la multiplication des partis politiques, souvent perçus comme peu démocratiques, orientés par des intérêts personnels ou familiaux, affaiblit le système démocratique tchadien. Leur fragmentation ne favorise ni l’entente ni la stabilité, mais alimente au contraire divisions et crises internes.

En réponse à cette situation, le président Mahamat Idriss Deby Itno a décidé, le 15 avril dernier, de dissoudre le Cadre National de Concertation des Partis Politiques (CNCPP), créé en 2018 pour favoriser un dialogue constructif. Mais cette plateforme, censée renforcer la stabilité, a plutôt été perçue comme un espace de division, nourrissant méfiances et rivalités. La dissolution vise donc à tirer un trait sur cette impasse, mais la vraie difficulté reste la volonté des acteurs politiques de s’unir.
Malheureusement, loin de tirer les enseignements, nombreux sont ceux qui cherchent encore à s’inscrire dans un nouveau cadre de négociation – un cercle restreint de trente formations sur plus de deux cents. Lors du rendez-vous manqué du 6 mai au ministère des Affaires étrangères, plus de 200 partis s’étaient retrouvés pour élaborer un texte régissant cette nouvelle instance, sans succès. Les enjeux restent politiques, et les divisions, profondes.

Alors que leurs déclarations affichent des ambitions telles que la paix, le développement, la justice ou la lutte contre la corruption, en pratique, ces querelles internes et ces luttes d’intérêt empêchent toute avancée concrète. La fragilisation du tissu politique, notamment au sein de l’opposition, favorise en réalité la majorité au pouvoir, freinant une démocratie sincère.
Par ailleurs, la crédibilité des partis, vis-à-vis des critères légaux fixés par le Code électoral, reste souvent douteuse. Beaucoup ressemblent davantage à des entreprises familiales ou des assemblées de figures politiques déconnectées du peuple, sans véritable ancrage social ou capacité à représenter les aspirations populaires. Pour un vrai progrès démocratique, il serait indispensable que ces formations adoptent une gouvernance saine, respectent la légalité, et œuvrent pour répondre aux besoins concrets des Tchadiens.
Le chemin vers une démocratie plus mature reste encore long. La clé réside dans une volonté collective de dépasser les intérêts personnels pour bâtir un avenir véritablement inclusif et stable.
Redaction: Mathurin Ngakoutou