C’est la peine la plus lourde du code pénal. La réclusion criminelle à perpétuité incompressible ou « perpétuité réelle » – soit la prison à vie, avec aménagement envisageable au bout de trente ans –, est encourue par Salah Abdeslam, qui doit être fixé sur son sort mercredi soir au procès des attentats du 13-Novembre. Source AFP
Le seul survivant des commandos du13 novembre 2015 Salah Abdeslam pourrait se voir condamné à la réclusion à perpétuité incompressible, mercredi 29 juin, au procès des attentats qui ont ensanglanté Paris. Le parquet national antiterroriste (Pnat) a réclamé le 10 juin cette sanction rarissime, estimant que cet « acteur clé » des attaques était « resté fidèle jusqu’au bout à son idéologie » et n’avait jamais exprimé « le moindre remords ». C’est « une peine de mort lente », s’est insurgée la défense de Salah Abdeslam, âgé de 32 ans.
La « perpétuité réelle » rend impossible de demander un aménagement de peine;
La cour d’assises spéciale, uniquement composée de magistrats professionnels, n’est pas tenue de suivre ces réquisitions. Si elle prononce une période de sûreté illimitée, elle doit spécialement motiver sa décision. Cette « perpétuité réelle » rend impossible de demander un aménagement de peine. Le condamné à cette peine peut toutefois, au bout de trente ans passés en prison, demander au tribunal de l’application des peines de revenir sur cette impossibilité. Le tribunal ne peut réduire la durée de la période de sûreté qu’à certaines conditions, et après avis d’une commission composée de cinq magistrats de la Cour de cassation chargée de déterminer s’il y a lieu de mettre fin à l’application de la décision de la cour d’assises.
Pour pouvoir bénéficier d’un relèvement de sa période de sûreté illimitée, le condamné doit manifester des gages sérieux de réadaptation sociale. Le tribunal s’assure également que sa décision n’est pas susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public et recueille en amont l’avis des victimes. Il se prononce après l’expertise d’un collège de trois experts médicaux qui évaluent l’état de dangerosité du condamné.
Prononcée à quatre reprises
La « perpétuité réelle » a été instaurée en 1994 sous l’impulsion du ministre de la Justice Pierre Méhaignerie, marqué par le viol et le meurtre d’une fillette par un homme déjà condamné pour des crimes sexuels. Elle n’a été prononcée qu’à quatre reprises : contre Pierre Bodein dit « Pierrot le fou » en 2007, Michel Fourniret – depuis décédé en prison – en 2008, Nicolas Blondiau en 2013 et Yannick Luende Bothelo en 2016, à chaque fois pour des meurtres d’enfants accompagnés de viols ou tortures. D’abord prévue pour ces crimes uniquement, la perpétuité incompressible a été étendue en 2011 aux meurtres ou tentatives de meurtres sur personnes dépositaires de l’autorité publique (forces de l’ordre, magistrats, surveillants de prison).
Onze des vint accusés au procès des attentats du 13-Novembre – dont six sont jugés par contumace – ont été renvoyés pour complicité de tentatives de meurtres en bande organisée et en relation avec une entreprise terroriste sur les policiers de la BRI intervenus au Bataclan, et encourent donc la perpétuité incompressible. Après la série d’attentats ayant ensanglanté la France en 2015, la perpétuité « réelle » a été élargie aux crimes terroristes en juin 2016, mais cette loi n’est pas rétroactive. La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), qui était saisie par Pierre Bodein, avait validé en 2014 les peines perpétuelles appliquées en France, estimant qu’elles offraient un espoir, même infime, de libération au détenu.
Avec AFP