Collaboration sahélienne: Voyager au Niger un calvaire pour les tchadiens

Dans les sables brûlants du désert nigérien, les routes reliant le Tchad au Niger, comme l’axe Nguigmi-Debboua-Arlit sont devenues un parcours du combattant pour des milliers de voyageurs tchadiens. Entre contrôles arbitraires, extorsions et humiliations, les « tracasseries policières » ce néologisme local pour désigner les abus des forces de l’ordre paralysant les échanges transfrontaliers et exacerbent les tensions entre ces deux voisins sahéliens.

Un axe vital sous tension


L’axe Diffa-Agadez-Niamey , vital pour le commerce informel, les migrations régionales, voit passer chaque année des centaines de Tchadiens en quête de travail, de famille ou dans l’optique de poursuivre les études supérieures. Selon les dernières données de la Direction de la Sécurité du Territoire nigérienne, les voyageurs tchadiens constituent une masse non négligeable transitant par Niger parfois pour explorer d’autres horizons. Aujourd’hui, avec l’instabilité au Sahel, terrorisme de Boko Haram et insécurité frontalière , ces voyageurs sont scrutés comme des suspects potentiels.

Mais au-delà des menaces sécuritaires, c’est la police nigérienne qui multiplie les entraves. À Diffa, à deux pas de la frontière tchadienne, les postes de contrôle pullulent. « On est plus fatigué par les tracasseries que par la route », confiait un jeune voyageur en juillet 2025 à notre antenne, un témoignage requis sous couvert de l’anonymat lors d’une crise liée à Boko Haram. Des années plus tard, le refrain persiste : amendes fantaisistes pour « papiers incomplets », fouilles interminables des bagages, ou même blocages de véhicules sans motif. Un intermédiaire à Zinder, cité dans une étude anthropologique de 2021, admettait payer « 20 000 FCFA par trajet, plus des cachets aux policiers » pour fluidifier les passages. Sans cela, risque d’arrestation ou de saisie. Alors que dans les textes, il n’est demandé qu’un laissé passé ou passeport dûment cacheté par les postes frontaliers de deux pays, et un carnet de vaccination valide.

Des abus ancrés dans un système


Ces pratiques ne sont pas isolées. Le Niger, pays enclavé aux frontières poreuses, lutte contre le trafic de migrants depuis la loi anti-trafic de 2015, soutenue par l’Union européenne. Mais sur le terrain, les agents de l’État, policiers, gendarmes, douaniers intègrent souvent ces réseaux, transformant la vigilance en racket organisé. « Ils s’exposent à de nombreuses tracasseries, livrés à des policiers qui n’ont d’autre divinité que l’argent », déplorait en 2023 un commerçant journal à propos des migrants subsahariens, dont beaucoup de Tchadiens.

Conséquences humaines et diplomatiques


Ces tracasseries ont un coût humain : familles séparées, commerçants ruinés, et une défiance croissante. En 2019, plus de 20 000 Tchadiens « retournés » du Niger vivaient en camps précaires à N’Djamena, fuyant non seulement la violence terroriste mais aussi les contrôles oppressants. Diplomatiquement, cela alimente les frictions : en 2023, lors d’opérations conjointes franco-nigériennes au Liptako-Gourma, les autorités tchadiennes ont réclamé plus de « respect mutuel » aux frontières.

Le gouvernement nigérien, sous pression post-coup d’État de 2023, promet des réformes. Mais sans formation accrue des agents et une supervision indépendante, les voyageurs tchadiens continueront de payer le prix fort d’une sécurité mal gérée. Dans ce désert de sable et de soupçons, la route vers le voisin reste semée d’embûches bien plus que de mirages.

Rédaction : ABDELLATIF OUSMAN TIDJANI/ Stagiaire web

Related articles

Comments

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Share article

spot_img

Latest articles

Newsletter

Subscribe to stay updated.