Ce mercredi , 12 novembre 2025, le Ghana pleure six jeunes vies fauchées dans une bousculade meurtrière au stade El-Wak d’Accra. Un drame survenu lors d’un exercice de recrutement des Forces armées ghanéennes.
Il s’agit de six victimes, toutes des femmes, qui cherchaient à s’enrôler dans l’armée. Une des rares portes de sortie face à un chômage de jeunes qui atteint 32 % pour les 15-24 ans selon les dernières statistiques officielles du pays.
La tragédie s’est produite vers 6h20 du matin, lorsque des milliers de candidats ont tenté de forcer l’entrée du stade avant l’heure prévue, provoquant une panique générale. Dans la foulée, ses jeunes femmes ont été piétinées à mort. Une vingtaine d’autres blessés ont été transportés en urgence à l’hôpital militaire 37.
Le président John Dramani Mahama, visiblement ému lors d’un discours dans la région d’Ashanti, a qualifié l’événement de « désastre » et présenté ses condoléances aux familles endeuillées. « Lorsque les portes se sont ouvertes, beaucoup se sont précipités. Certains sont tombés et ont été écrasés », a-t-il déclaré sobrement.
La colonne Evelyn Ntiamoah Asamoah, directrice par intérim des relations publiques des Forces armées, a confirmé que l’incident résultait d’un « afflux inattendu de candidats ayant violé les protocoles de sécurité ». Le recrutement a été immédiatement suspendu jusqu’à nouvel ordre.
Le visage d’une crise structurelle
Cette tragédie révèle l’ampleur du désespoir économique qui frappe la jeunesse ghanéenne. Les chiffres officiels parlent d’eux-mêmes : en 2024, le taux de chômage des 15-24 ans atteignait 32 %, et 22,5 % pour les 15-35 ans. Plus d’un million de jeunes ne sont ni en emploi, ni en formation ,une génération entière en attente.
Les exercices de recrutement militaire et policier attirent régulièrement des foules massives de jeunes en quête de stabilité. L’économie ghanéenne, autrefois prometteuse, s’est effondrée sous la pression de la pandémie de COVID-19, avec une inflation qui a atteint 50 % en 2022 avant de redescendre à 8 % en octobre 2025. Mais ce répit statistique masque une réalité brutale pour les jeunes diplômés : pas d’emploi, pas d’avenir.
Une mère présente sur les lieux a témoigné de la désorganisation totale : « C’est quelque chose d’incompréhensible. L’endroit était saturé. Pour quelqu’un qui n’est pas là pour entendre parler de la mort de son enfant, c’est une situation grave », a-t-elle confié dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux.
Une promesse de transparence qui vire au drame
Le président Mahama avait promis avant les élections de 2024 de rendre les processus de recrutement publics et transparents, contrairement aux pratiques opaques du passé. L’objectif : donner aux jeunes de toutes les régions une chance égale d’accéder aux emplois du secteur public.
Mais cette ouverture s’est transformée en piège mortel. Sans infrastructure adéquate pour gérer l’afflux massif de candidats, le système a craqué. Des parlementaires appellent désormais à une refonte complète du processus, avec des quotas journaliers, des créneaux horaires et une meilleure coordination logistique.
Les autorités ont ouvert une enquête approfondie. En attendant, six familles pleurent leurs filles, parties chercher un emploi et revenues dans un cercueil.
Que reste-t-il après le drame ?
Le Ghana se réveille ce jour avec une question lancinante : combien d’autres jeunes faudra-t-il sacrifier sur l’autel du chômage ? La suspension du recrutement offre un répit, mais pas de réponse. Les rues d’Accra restent emplies de jeunes en quête d’une opportunité – n’importe laquelle.
Dans un pays où sept chômeurs sur dix sont des jeunes, chaque annonce de recrutement devient une ligne de vie. Et parfois, une ligne de mort.
Ahmad Hassane /Stagiaire

