Il y a un an, le 2 novembre 2022, l’armée éthiopienne et les rebelles tigréens du TPLF signaient à Pretoria en Afrique du Sud l’accord qui mettait fin à deux ans de guerre civile en Éthiopie. Selon l’Union africaine, au moins 600 000 personnes ont été tuées, un million d’autres déplacées. Le conflit a fait de très nombreux dégâts et sur le terrain, la situation reste toujours tendue.
Un an après, les armes ne se sont pas tues en Éthiopie. Au Tigré, les affrontements entre l’armée du Front populaire de libération du Tigré, le TPLF, et celle du gouvernement fédéral ont cessé, mais les milices amarah, du nom d’une région voisine habitée par l’un des plus grands peuples du pays, continuent d’agir dans l’ouest de la région sur laquelle ils souhaitent étendre leur influence. Alliées du gouvernement d’Abyi Ahmed pendant la guerre, ces milices estiment avoir été exclues des accords de Pretoria et ont refusé leur démantèlement et leur intégration à l’armée fédérale voulu par le Premier ministre, considérant que cela comme un affaiblissement face aux menaces des autres peuples, notamment tigréens. Ils continuent donc dans cette partie ouest du Tigré ce que le chercheur indépendant René Lefort qualifie de « nettoyage ethnique ».
« Au nord du Tigré, ce sont les Érythréens qui continuent d’être présents. Comme les milices amhara, l’armée érythréenne était alliée au gouvernement fédéral pendant la guerre, mais là encore un désaccord est apparu après les accords de Pretoria entre le président érythréen Issayas Afewerki et le Premier ministre éthiopien. L’Érythrée estime que le gouvernement fédéral n’est pas allé assez loin dans la répression et souhaite l’élimination du TPLF, estime le chercheur. Elle continue donc d’occuper le nord et une partie de l’est du Tigré. Nous avons donc sur une majeure partie du territoire tigréen la présence de deux acteurs majeurs de la guerre en violation claire des accords de Pretoria qui prévoyaient pourtant le départ de ces deux forces que sont les milices amharas et les forces érythréennes ».
Les violences se sont propagées d’autres régions
C’est un prolongement de la guerre au Tigré. En Amhara, région située au sud du Tigré, les milices amharas se sont révoltées contre le gouvernement central. Le gouvernement d’Addis-Abeba a décrété en aout l’état d’urgence pour une durée de six mois dans le but d’y mener des opérations militaires pour reprendre le contrôle des villes et surtout des campagnes sous domination des milices amhara.
En Oromia, c’est l’Armée de libération de l’Oromia qui a repris les armes récemment et tente d’augmenter son influence dans la région. Les peuples amharas et oromos sont de vieux peuples d’Éthiopie qui ont successivement exercé le pouvoir au fil des siècles, pour le chercheur indépendant René Lefort, ce qui se passe aujourd’hui n’est rien d’autre que « la reprise des hostilités pour la domination dans le pays », à la faveur du récent conflit au Tigré.
Les civils en première ligne
Le conflit au Tigré avait fait plus de 4 millions de déplacés, un million pour le seul Tigré, un autre million en région Amhara. Souvent installés dans des camps, ils n’ont pour beaucoup pas pu retourner chez eux. Selon l’ONU, la plupart sont en situation d’urgence humanitaire en raison de l’absence d’aide internationale, mais aussi de la destruction quasi totale des infrastructures. Au Tigré, les observateurs estiment que plus de 80% des secteurs agricoles, manufacturiers, commerciaux et hospitaliers sont inutilisables.
Pauvreté et maladie font donc partie du quotidien des réfugiés du Tigré, qui pour beaucoup sont marqués dans leur corps des traumatismes de la guerre : exécutions arbitraires, tortures, viols… De nombreux crimes de guerres ont été commis durant ces deux années, mais le 4 octobre dernier, le mandat de la Commission internationale d’experts sur les droits humains en Éthiopie, organisme chargé d’enquêter sur le conflit, n’a pas été renouvelé, laissant craindre une impunité totale pour ces crimes.
RFI