Tchad : « Tous les maux que vit la ville de Moundou ont pour origine, entre autres les contrats d’affermage, les marchés des travaux fictifs… », Rapport de l’IGE

Un contrat d’affermage (N°001 du 03/02/2020) renouvelé par celui  N°001/RT/VM/SG/2021, relatif au recouvrement de la taxe communale sur les sacs de sésame du marché de Moundou, destiné à l’exportation au profit d’une société privée, se révèle un grand scandale économique dans le Logone Occidental et renseigne sur la mort lente de l’administration publique tchadienne. Des individus se sucrent sur le dos de l’Etat tchadien avec la complicité ses institutions. L’équipe de Tchad24 a séjourné à Moundou la semaine dernière. Retrouvez notre enquête.

C’est une affaire de controverse. Au titre du contrat d’affermage de 2020, une société privée, du nom MHM/DIONBE ET FILS, encaisse 626.000.000 F CFA, au cours de l’année. Cette importante somme est la part de la taxe communale sur les produits d’exportation, concédée à cette entreprise ;  en violation des lois des finances en vigueur en République du Tchad. Et elle remonte en début de l’année 2020, lorsque le 03 février, la Mairie de Moundou décide de son propre chef de concéder le recouvrement de la taxe communale à cette entreprise privée. Pourtant, ce recouvrement relève des prérogatives de l’Etat, qui dispose suffisamment des moyens pour le faire, selon un procès-verbal de l’IGE établi après une enquête sur cette affaire en janvier 2020.

En réalité, le plus grand mal est de remettre le taux de cette taxe en hausse, à 2.000F par sac de sésame, au lieu de 200F et 400 F selon les variétés, conformément à la loi des finances. D’ailleurs, pour règlementer ces activités, le gouvernement du Tchad a, par un courrier N°177 de la primature de 22 mars 2018, dénoncé « une nouvelle taxe communale prélevée par les Communes de Moundou, Doba, Koumra et Sarh par sac de 100 kg sur les produits d’exportation, à hauteur de 2.000 F CFA par sac de sésame et 4.00 F CFA d’arachides et de tourteau, en lieu et place de la taxe communale dite de ‘’droits de place’’ de 200F CFA ».

Et la circulaire, qui s’adresse aux ministres de l’administration, ministères, des mines, secteurs privés, des Finances et du budget et par ricochet les collectivités décentralisées, de conclure que « le premier ministre, chef du gouvernement, vous instruit à l’effet de prendre les dispositions nécessaires pour faire cesser la pratique de toute axe illégalement prélevée ». Peine perdue ! Cette pratique qui semble relever d’une pure arnaque persiste. Et donc plus de trois (3) ans de prélèvements inexorablement abusifs et illégaux, si on se fie aux lois de la République. Et à la suite d’une plainte d’une société d’exportation de ces produits, le juge d’instruction du Tribunal administratif de Moundou a pris une ordonnance (N°004) pour suspendre ces prélèvements. Une ordonnance suspendue après que la Mairie a introduit un pourvoi.

Les malheurs de Moundou

C’est ainsi que courant janvier 2020, à la suite d’une mission d’enquête évoqué préalablement, l’inspecteur général d’Etat d’antan, Issa Mahamat Abdelmamout a, d’abord, « résilié des contrats d’affermage et de partenariat », en estimant que « tous les maux que vit la ville de Moundou ont pour origine », entre autres « les contrats d’affermage, les marchés des travaux fictifs, l’inutilisation des collecteurs, l’implication et l’intervention de presque tous les responsables administratifs dans la gestion de la Commune de Moundou ». L’Inspecteur général d’Etat a « immédiatement résilié tous les contrats relatifs à la collecte des recettes de la Commune par des particuliers » et menacer des poursuites judiciaires « tout responsable qui prendra le risque de signer des contrats d’affermage ».

Curieusement, le même inspecteur d’Etat fait revient sur sa décision, sans aucune forme de procès contre sa résiliation des contrats, pour renouveler par ses soins ce contrat d’affermage pour une durée nette d’un an de plus, sans possibilité de renouvellement. Donnant quitus à cette société à continuer ses opérations uniques et iniques. Cette société de MHM/DIONBE ET FILS continue à extorquer de la manière la plus fragrante avec des prélèvements illégaux de 2.000F au lieu de 400 et 200. Pire, il n’y a aucune quittance contre le règlement de la taxe par les exportateurs, ce qui interroge non seulement sur la direction que prend toutes ces sommes faramineuses, mais l’incapacité de la Commune à maîtriser les chiffres qui entrent. Interrogé à ce sujet, le Secrétaire général de la Mairie de Moundou, Mbaihondoum Moumda Mathurin nous confie qu’« il y a une société de la place qui a astreint la Commune en justice sous prétexte que cette taxe serait illégal… La procédure est en cours. Comme ça fait l’objet d’un recours en justice, on se réserve pour le moment jusqu’à ce la Cour suprême tranche sur cette légalité qui est attaquée ». Pour le moment, la Mairie n’attend que sa part contractuelle, nous a-t-il précisé. Laissant la société MHM d’organiser ses modalités de taxation sur les commerçants et avec son reçu, alors c’est vraiment le domaine régalien de l’État.

Rien que pour l’année 2020, l’IGE a repéré 626.000.000 F CFA des recettes réalisées par cette entreprise sur la taxe communale. Alors que sur trois ans, la taxe des produits d’exportation auraient engrangé la Mairie avec des sommes faramineuses. Sauf que cette somme est illégale, puisqu’elle est hors la loi des finances et que l’Etat se rend de ce fait comptable de cette extorsion illégale des biens des contribuables, qui sont en quête de les réclamer. Pendant ce temps, il se trouve que c’est une entreprise privée qui en a profité. Et derrière cette affaire, beaucoup tireraient leur épingle de diamant. Ce qui est encore marrant, les agents collecteurs de la Commune sont du coup mis tacitement au chômage, et gagnent leurs salaires sans pour autant travailler.

C’est un véritable esclandre qui participe à exacerber les citoyens, victimes de cette surexploitation et sape profondément l’autorité de l’Etat, sacrifiée sur l’intérêt des individus qui se font tout-puissants. Une situation qui doit en principe intéresser la transition qui a pour vocation de rompre avec les vieilles habitudes.

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